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Foire du livre : auteurs primés et déprimés

Vieille habitude, hier, presque comme chaque année, je baguenaudais dans les allées bruyantes (braillantes, presque) de la foire du livre.

Bon, je n'insiste pas sur les travaux boueux qui entourent le site à la façon d'un siège médiéval. Un vrai piège à piétons avec en point de chute une employée déjà excédée à 10h30 de devoir réorienter les multitudes qui se sont perdues dans les tranchées boueuses comme en 14.

Je n'évoque qu'à peine les hordes d'adolescents en chasse au chapeau spirou, accompagnés de quelques enseignants dont je ne sais s'il faut saluer le courage ou critiquer la démarche.

Enfin, je passe rapidement sur la médiocrité vulgaire des énormes commerçants que sont les dinosaures de l'édition : vendeurs de Grey sans nuances et autres monstruosités qui sont à la littérature ce que les déjections canines sont aux trottoirs.

Et puis des auteurs.

Ah ! Les auteurs !

A vaquer entre les tables à dédicaces, on constate immédiatement que les auteurs sont tous (mais vraiment tous) détenteurs d'un prix. De n'importe quel prix. A n'importe quel prix, primés. Vainqueurs héroïques de luttes qu'on devine homériques pour gagner le prix du jury des lecteurs de trifouillis les oies, la coupe des poètes des alpages alpins ou le podium de l'ouvrage plébiscité par les mamys lectrices du club des tricoteuses de Seraing Bas. Oh, bien entendu, je comprends la fierté d'être l'heureux gagnant du prix des buveurs d'absinthe ou des mangeurs d'arachides salées... Mais en l'occurence, la contiguïté, la multitude et le ridicule des nominations en élèvent radicalement le taux de ringardise. D'autant plus qu'à les voir, esseulés derrières une table sur laquelle leur précieux ouvrage est disposé en trente exemplaires dont aucuns n'aura été vendu en fin de course, ils ont l'air si malheureux ces auteurs...

Mendiants de notre attention, quémandant l'aumône de notre reconnaissance, ils ont le corps avachis, les yeux mouillant, la main qui tremble autour d'un gobelet de café froid.

Abandonnés de tous, même de leurs éditeurs, ils promènent sur la foule ignorante de leur désarroi un regard un peu vague, souriant parfois lorsqu'un promeneur fait mine de s'arrêter puis soupirant lorsqu'il les évite comme le bourgeois évite le sdf au coin de son immeuble.

Ils sont d'autant plus seuls qu'ils sont des dizaines et leur nombre les plonge dans un anonymat honteux.

Alors, pour tuer un temps qui très vite se fait inssuportablement long, ils s'occupent. Pour un peu, ils seraient les seuls à lire, ces écrivains, dans cet infernal brouhaha qui célèbre leur défaite. Le journal, un magasine, la présentation du bouquin de leur voisin de stand... N'importe quoi pour ne plus devoir lever les yeux sur ces absents qui passent sans les voir.

Les primés sont déprimés, mon bon monsieur !

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